Taser, bombe lacrymo : le nouvel arsenal choc des femmes pour sortir

« C’est la première chose que je fais en sortant de soirée : je prends ma bombe lacrymo dans ma main, au cas où… » Depuis plusieurs mois, Clara, 23 ans, ne se sépare plus de sa petite bombe au poivre rose qu’elle garde précieusement dans son sac à main. « Je ne l’ai jamais utilisée et j’espère que ça n’arrivera jamais, mais je me sens vraiment plus en sécurité avec », confie la jeune femme à 20 Minutes. Comme elle, de plus en plus de femmes, qui rentrent seules tard le soir, se munissent d’armes de défense, de catégorie D. Taser, shocker électrique, bombe lacrymogène… Sur les réseaux sociaux, elles sont nombreuses à partager leurs achats et leurs craintes. « Je viens de recevoir mon taser, je vais enfin pouvoir rentrer de soirée sans avoir la boule au ventre », se réjouit une internaute sur TikTok. « J’ai acheté une bombe lacrymo après m’être fait suivre dans la rue en rentrant du travail, je suis plus sereine », explique une autre.

Des ventes qui ont doublé en trois ans

Cette tendance se confirme dans les chiffres. Sur Internet, la demande pour ce type de produits a explosé. « En trois ans, les ventes ont été multipliées par deux », confirme à 20 Minutes Laurent, gérant d’une armurerie en ligne. « La clientèle est de plus en plus jeune et féminine », ajoute-t-il. Il faut dire qu’il y en a pour tous les goûts : des bombes lacrymogènes classiques, au poivre ou au gaz, des shockers électriques en forme de lampe torche ou de smartphone, et même des tasers déguisés en tube de rouge à lèvres. Les prix varient d’une dizaine d’euros pour une bombe lacrymo à plus de 60 euros pour un shocker électrique. « Les recherches pour le mot-clé ‘bombe lacrymogène femme‘ ont augmenté de 150% sur notre site depuis deux ans », précise le gérant. « C’est un véritable phénomène de société, les femmes ne veulent plus subir. »

Selon une enquête menée par la plateforme de vente en ligne Pelta, spécialisée en autodéfense, « les ventes de bombes lacrymogènes de poche ont grimpé de 78% entre 2022 et 2024, avec une clientèle à 85% féminine, dont la moitié a moins de 30 ans. » Cette croissance fulgurante du marché de l’autodéfense personnelle témoigne d’une réponse directe à un besoin de protection non satisfait par d’autres moyens.

Un sentiment d’insécurité qui s’ancre

Si les femmes sont de plus en plus nombreuses à s’équiper, c’est avant tout parce que le sentiment d’insécurité est de plus en plus présent. Selon une étude de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) datant de 2019, une femme sur deux a peur de sortir seule le soir dans son quartier. Un chiffre qui a probablement augmenté depuis, notamment après la crise sanitaire. Plus récemment, le rapport annuel 2025 du Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes (HCE) est encore plus alarmant : « il révèle que 9 femmes sur 10 en France déclarent avoir déjà appréhendé de rentrer seules le soir. »

« Ce n’est pas de la paranoïa, c’est une adaptation à une réalité dangereuse », affirme Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des Femmes. « S’équiper d’une bombe lacrymogène femme n’est pas un acte d’agressivité, mais un acte de survie dicté par la peur. La vraie solution réside dans l’éducation et la fin de l’impunité pour les agresseurs, mais en attendant, les femmes se protègent comme elles le peuvent. »

Un cadre légal strict

Si l’achat de ces armes de défense est libre pour les personnes majeures, leur port et leur transport sont réglementés. En effet, les bombes lacrymogènes, tasers et shockers électriques sont classés comme des armes de catégorie D. « Leur port et leur transport sont interdits sans motif légitime », précise le site du service public. En cas de contrôle, les forces de l’ordre peuvent décider si le motif est légitime ou non. « Si vous rentrez seule d’une soirée à 3h du matin, le motif peut être considéré comme légitime. En revanche, si vous vous promenez en plein après-midi avec un taser dans votre sac, c’est plus discutable ».

Un officier de la Gendarmerie Nationale, sous couvert d’anonymat, commente : « La notion de ‘motif légitime’ est appréciée au cas par cas par les agents ou le juge. Il n’y a pas de règle absolue. Nous prenons en compte le lieu, les circonstances et le type d’objet. Une petite bombe lacrymogène dans le sac d’une femme rentrant de nuit d’une gare sera généralement mieux comprise qu’un poing américain dans une manifestation. »

Autre point important : l’utilisation de ces armes doit se faire dans le cadre de la légitime défense. « La riposte doit être proportionnelle à l’agression. Si quelqu’un vous insulte, vous ne pouvez pas lui vider votre bombe lacrymo dessus ». La légitime défense, définie par l’article 122-5 du Code pénal, suppose que la personne agit face à une atteinte injustifiée, et que l’acte de défense est nécessaire et proportionné à la gravité de l’attaque. Une utilisation abusive peut entraîner des poursuites pour violences volontaires avec arme.

Questions fréquentes sur les armes d’autodéfense

Face à la complexité du sujet, voici des réponses aux questions les plus courantes :

1. Quels sont les risques si je me fais contrôler avec une bombe lacrymogène ?
   Si les forces de l’ordre estiment que vous n’avez pas de « motif légitime » pour la transporter, l’arme peut être confisquée. Vous risquez une amende pouvant aller jusqu’à 15 000 euros et une peine d’un an de prison, bien que dans la pratique, pour une première infraction sans autre délit, la sanction soit souvent moins sévère (rappel à la loi, amende forfaitaire).
2. Existe-t-il des alternatives légales et sans risque ?
   Oui, plusieurs alternatives ne sont pas classées comme des armes. Les alarmes sonores personnelles (qui émettent un son strident de plus de 130 décibels pour attirer l’attention et faire fuir un agresseur) sont parfaitement légales et peuvent être très dissuasives. Suivre des cours de self-défense est également une option recommandée pour apprendre à se protéger physiquement et à gérer des situations de stress.
3. Une bombe lacrymogène est-elle vraiment efficace ?
   Oui, une bombe lacrymogène femme est conçue pour être efficace. Les agents actifs (CS, poivre) provoquent une irritation intense des yeux et des voies respiratoires, désorientant et neutralisant un agresseur pour plusieurs minutes, ce qui laisse le temps de fuir. Cependant, son efficacité peut être réduite par le vent (pour les versions gaz) ou si l’agresseur se protège le visage. Il est crucial de savoir s’en servir rapidement et de viser le visage.